Personnalité de la semaine

Safia Nolin

L’année 2016 a été exceptionnelle pour l’auteure-compositrice-interprète Safia Nolin. Après avoir remporté le prix Félix-Leclerc de la chanson en juin, elle recevait dimanche dernier le Félix de la révélation de l’année au Gala de l’ADISQ, où elle était en nomination dans cinq catégories. Pour son talent, sa résilience et sa détermination, La Presse la nomme personnalité de la semaine.

En septembre 2015, Safia Nolin lançait son premier album, Limoilou, inspiré du quartier de Québec qu’elle habitait alors. Cet opus lui a valu des critiques élogieuses au Québec et en France, où le magazine Les Inrocks la qualifiait de « fragile et bouleversante ». Depuis la sortie de Limoilou, la chanteuse a récolté un nombre impressionnant de prix et de nominations.

« Pour moi, être la révélation de l’année, ça représente le fait de marcher dans les pas de gens que j’admire, dont plusieurs sont mes amis. Ça me touche et ça m’émeut énormément d’avoir gagné. »

— Safia Nolin

Native de Québec, Safia Nolin a abandonné l’école à 15 ans, notamment en raison de l’intimidation dont elle faisait l’objet depuis des années. Après avoir reçu une guitare d’occasion en cadeau de son frère, elle a appris à en jouer en autodidacte et composé ses premières chansons. Elle recevait le prix SOCAN de la chanson primée au 44e Festival de Granby pour sa première composition, Igloo, en 2012.

« Au départ, la musique n’était rien d’autre qu’un exutoire, dit-elle. À Granby, j’ai rencontré Philippe Brault, avec qui j’ai enregistré une démo qu’il a envoyée à différentes maisons de disques. J’ai reçu un appel de Bonsound et ça a été un match parfait entre nous. »

Depuis, elle a donné énormément de spectacles, se faisant connaître non seulement à travers le Québec, mais aussi en France, faisant neuf fois la première partie de Lou Doillon. Cette ascension a culminé jusqu’à son Félix au Gala de l’ADISQ, où sa tenue vestimentaire et ses propos ont déclenché une véritable tempête médiatique. Faisant fi des conventions en se présentant sur scène vêtue d’un jeans, d’un t-shirt de Gerry Boulet, d’une veste en tricot et d’espadrilles, elle lançait des propos féministes émaillés de quelques « fuck » et autres « gros mots » devant 1,3 million de téléspectateurs.

La controverse

En montant sur scène vêtue de ses habits de tous les jours, l’artiste de 24 ans était loin de se douter qu’elle déclencherait une telle controverse, faisant même l’objet de plusieurs chroniques désobligeantes à son endroit dans les journaux.

« Tout ce que je veux, dans la vie, c’est faire de la musique et être moi-même, dit-elle. C’est vrai que je me suis dit : “Tant pis pour les conventions, je vais rester comme je suis.” Mais je ne me suis pas habillée comme ça dans le but de faire parler de moi. »

— Safia Nolin

« Recevoir le Félix de la révélation, c’était la plus belle chose qui pouvait m’arriver. Je n’aurais jamais pensé que mes vêtements provoqueraient autant de réactions. Ça m’attriste de voir qu’il y a des gens assez tordus pour penser que c’était un geste calculé. »

Elle déplore également le fait qu’une femme ne puisse pas aller chercher un prix ainsi vêtue sans causer un tollé.

« Le 31 octobre, j’ai reçu des centaines de messages de haine, dit-elle. Il y a des propos qui m’ont vraiment blessée. On m’a dit que j’étais dégueulasse, que j’étais une grosse truie, que je ne me lavais pas, que j’étais une honte pour le Québec. On m’a traitée d’attardée mentale. Il n’y a pas vraiment de bonne façon de composer avec des messages comme ceux-là. »

En même temps, toute cette tempête a eu des effets positifs, notamment en propulsant son album en tête des ventes sur iTunes Canada.

« C’est sûr que c’est le fun que des gens aient découvert ma musique à cause de cette histoire et que j’aie vendu des albums, mais pour moi, le plus positif, c’est que les gens aient soulevé et débattu des questions importantes. Certains m’ont écrit pour me dire que ça leur avait fait réaliser qu’ils jugeaient trop vite les autres. Plusieurs personnes ont pris conscience qu’on avait peut-être un maudit problème dans le fait que Jean Leloup peut s’habiller comme il veut sans que personne dise rien, alors qu’une fille s’habillant comme elle le veut soulève autant de controverse. »

Elle souligne également la contradiction entre les maigres revenus que les créateurs tirent de leurs œuvres en cette ère numérique et tout le « glamour » qui entoure les galas.

« Nous ne sommes pas à Hollywood au Québec. On est dans une industrie qui souffre. On est en plein débat sur les redevances, et en même temps, on pose sur des tapis rouges avec des robes à 2000 $. Toutefois, ce n’était même pas un message que j’ai voulu envoyer. Je ne me suis pas habillée en jeans au gala parce que je n’ai pas d’argent, je l’ai fait parce que c’est comme ça que je m’habille dans la vie. J’étais bien dans ma peau. Si j’avais porté une robe avec des talons hauts et une tonne de maquillage, je n’aurais pas été en phase avec moi-même. J’aurais eu l’impression de porter un costume. Ce n’est pas mon style, c’est tout. »

Safia Nolin présentera Un spectacle unplugged triste pour Noël le 15 décembre à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours.

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